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Boileau-Narcejac
samedi 23 novembre 2002
Boileau, Pierre (1906-1989) et Narcejac, Thomas (1908-1998) : Théoriciens du roman policier et maîtres du suspense, Boileau et Narcejac forment à partir de 1948 le tandem phare de la littérature policière française. Mais la passion des deux hommes pour le genre n’est alors pas nouvelle et l’aventure commence bien plus tôt.
Pierre Louis Boileau naît le 28 avril 1906 dans le neuvième arrondissement parisien. Thomas Narcejac, de son vrai nom Pierre Robert Ayraud, voit le jour le 3 juillet 1908 à Rochefort-sur-mer (Charente-Maritime). Un point commun, d’entrée, entre les deux hommes ? Le père de Boileau est chef de service dans une agence maritime et Narcejac, même si son père est armurier, est issu d’une famille de marins. Mais ils partagent surtout dès l’enfance une passion pour Arsène Lupin et autres Rouletabille ou Fantômas l’article. Les études ? Commerciales pour Boileau, bientôt employé dans une fabrique de feutre, littéraires pour Narcejac qui entre au lycée à Saintes, puis en khâgne et à la faculté à Poitiers où il obtient sa licence de philosophie avant d’être nommé professeur à Vannes.
Boileau est le premier à écrire. Loin du genre d’abord, dans une revue de publicité. Mais très vite, en 1932, sa première nouvelle sort dans le mensuel "Lecture pour tous" : Deux Hommes sur une piste est la première enquête du détective André Brunel. Le héros réapparaît deux ans plus tard dans le premier roman de Boileau, La Pierre qui tremble. Boileau se spécialise dans les romans d’énigme et les problèmes de chambres closes (voir son meilleur titre, Six crimes sans assassin en 1939). En 1938, pour son quatrième roman Le Repos de Bacchus, Boileau décroche le Grand prix du roman d’aventures créé par "Le Masque"l’article. La même année, Narcejac commence à s’intéresser sérieusement au genre policier. Il découvre d’ailleurs le roman de Boileau en corrigeant les copies du bac à Troyes où il est alors en poste.
Puis vient la guerre. Boileau mobilisé vit la débâcle, est fait prisonnier, est envoyé pour deux ans dans un stalag près de Trèves, et, libéré pour raison médicale, retrouve Paris en 1942. Narcejac, lui, est nommé à Aurillac et c’est pendant la "drôle de guerre" qu’il entame son premier roman policier : L’Assassin de minuit.
A la Libération, Boileau recommence à publier ses romans, notamment dans "France Soir" sous la forme de feuilletons. Recruté par une toute nouvelle maison d’édition, Le Portulan, Narcejac s’installe dans le genre avec un deuxième roman et un essai : Esthétique du roman policier. Il analyse notamment l’oeuvre de Boileau, et c’est en découvrant son nom dans cet ouvrage que Boileau prend un premier contact avec Narcejac. Les deux hommes échangent d’abord leurs idées par correspondance. Ils se rencontrent pour la première fois le 13 juin 1948 à l’occasion de la remise du Prix du roman d’aventures à Narcejac pour son quatrième livre, La mort est du voyage.
C’est en juin 1950 qu’ils décident de travailler ensemble. Explication des auteurs : "Nous nous sommes rendu compte que le roman anglo-saxon, le roman problème, le crime, l’enquête, le suspect et les fausses pistes, tout cela venait de vieillir et qu’il n’était pas possible de continuer dans cette voie (...). Nous avons voulu faire du roman policier un roman tout court, et comme nous ne voulions pas renoncer au mystère qui est pour nous l’essence même du roman policier, il était presque indispensable de travailler à deux, l’un s’occupant presque uniquement de la mécanique sans beaucoup tenir compte des personnages, l’autre s’occupant surtout des personnages indépendamment du premier". Les rôles ne sont pas figés. Mais c’est plutôt Boileau qui assure l’intrigue, et Narcejac la psychologie des personnages.
Leur premier écrit en 1951, L’ombre et la proie, est pour eux une simple maquette et ne paraît d’ailleurs en librairie qu’en 1958, sous le pseudonyme anagrammatique d’Alain Bouccarèje. Mais leur deuxième, Celle qui n’était plus (1952), pourtant refusé par la plupart des maisons d’édition avant Denoël, est un coup de maître. L’adaptation du roman deux ans plus tard par Henri-Georges Clouzot sous le titre Les Diaboliques est un immense succès.
Dès lors, les deux hommes vont multiplier leurs oeuvres, avec toujours la même ligne directrice. "Le héros, pour eux, ne doit jamais se réveiller de son cauchemar", écrit Michel Lebrun. Une trentaine de romans exploreront la veine du suspense, en frôlant parfois le fantastique. Ils seront souvent adaptés au cinéma (de D’entre les morts = Sueurs froides d’Alfred Hitchcock en 1954 à Maldonne de Sergio Gobbi en 1968) ou à la télévision. Le tandem participe aussi à l’écriture de nombreux scénarios, dont Les yeux sans visage de Georges Franju. En 1971, le duo crée le personnage de Sans Atout pour une série d’une dizaine d’aventures destinées à la jeunesse. En 1973, le duo commence la publication en feuilletons dans "Télé 7 jours" du Secret d’Eunerville qui ressuscite Arsène Lupin (quatre autres épisodes suivront). Et il faut bien sûr ajouter leurs nombreux écrits théoriques sur le roman policier comme Le Roman policier (1964).
Leur dernier roman commun, Le soleil dans la main, sort en 1990, un an après la mort de Pierre Boileau. Thomas Narcejac continue un temps seul, en signant toujours Boileau-Narcejac, avant de disparaître à son tour en 1998.
Leurs principaux ouvrages sont : Celle qui n’était plus, D’entre les morts, Les Louves, A coeur perdu, Maléfices, La mort a dit peut-être, Les eaux dormantes, Et mon tout est un homme.