Accueil > Historique > Le roman noir américain

Le roman noir américain

lundi 19 janvier 2009, par polars

A la fin des années 1930, le roman à énigme commence à tourner à vide. Le renouveau vient des Etats-Unis. Aux « dime novels », ces fameux fascicules populaires bon marché qui apparurent dès les années 1860 et firent notamment les beaux jours du détective new-yorkais Nick Carter, succèdent dès 1915 les « pulps » (leur papier est fait essentiellement de pulpe de bois), tout aussi accessibles, mais qui se spécialisent dans des genres précis, de l’horreur au western en passant bien sûr par le policier. La création en 1920 du magazine Black Mask marque le début de la révolution du polar américain. Quand, à partir de 1926, le captain Joseph T. Shaw en prend les commandes, il décide de s’appuyer sur de nouveaux auteurs qui se rassembleront sous l’étiquette « hardboiled school ». L’écrivain vedette en est Dashiell Hammett (1894-1961), qui introduit le personnage du détective dur à cuire, avec notamment dès 1927 le Continental Op de La Moisson rouge. Un détective apparemment froid et pourtant plus que sensible au monde qui l’entoure. Il devient d’ailleurs le révélateur des évolutions sociales de l’Amérique d’alors, une société où pouvoir politique, pègre et haute sphère friquée marchent main dans la main. L’intrigue passe alors souvent au second plan au profit d’une peinture exacerbée d’une société à la dérive. Le première
génération du roman noir américain révèle ainsi pléthore de grands auteurs : Horace McCoy (1897-1955), Raymond Chandler ((1888-1959), James
M. Cain
(1892-1977), Jonathan Latimer (1906-1983), ou William Riley Burnett
(1899-1982) qui invente le roman de gangster avec Le Petit César.
_ _ _

Après la seconde guerre mondiale, c’est l’apparition du « paperback », le
livre au format de poche, et la publication d’inédits dans ces collections qui
assurent l’éclosion d’une deuxième génération d’auteurs noirs. Ces auteurs bénéficient
également du succès que connaît le genre avec ses adaptations par Hollywood.

Mickey Spillane et son Mike Hammer aux méthodes expéditives triomphe, Ross Macdonald (1915-1983) reprend le flambeau de Chandler avec son Lew Archer, mais l’on peut préférer les univers beaucoup plus sombres et subtils et les héros parfois « monsieur tout le monde » de David Goodis (1917-1967), Jim Thompson (1906-1977), ou Charles Williams (1909-1975). A signaler également, l’œuvre majeure de l’auteur noir-américain Chester Himes (1909-1985) qui longe au cœur du ghetto de Harlem.
_

Si la figure du privé semble avoir les traits tirés à la fin des années 1950, elle reprend des couleurs dans les années 1970. Sans doute parce qu’une nouvelle fois, l’Amérique du Vietnam n’est pas au mieux de sa forme. Les privés en question non plus d’ailleurs, souvent accablés des mêmes soucis que tout un chacun. On peut citer le détective manchot Dan Fortune de Michael Collins, le Nameless (sans nom) de Bill Pronzini et plus tard le Matt Scuder de Lawrence Block ou le Milo Milodragovitch de James Crumley.

Mais le roman noir made in US ne se limite évidemment pas au privé et quelques auteurs majeurs se sont révélés à partir des années 1980 avec d’autres personnages. Les deux plus célèbres en France restent aujourd’hui James Ellroy, débutant avec la saga de son sergent déjanté Lloyd Hopkins, avant de signer le cycle magistral du quator de Los Angeles, puis l’immense revisitation de l’histoire américaine avec la trilogie Underworld USA, et Tony Hillerman, le père du polar ethnologique. D’autres se distinguent de la production courante en créant des univers singuliers où s’entrechoquent humour et dérision : Elmore Leonard, Donald Westlake et Marc Behm sont alors un tiercé indispensable. Enfin, de nombreux auteurs perpétuent la tradition, et maintiennent haut la réputation du noir américain, de James-Lee Burke à Dennis Lehane en passant par Michael Connelly, Harry Crews, Edward Bunker ou Kent Harrington.